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Articles universitaires

La rédaction, encore une histoire de genre ?

En 2020 j’ai lu un article indiquant que les femmes scientifiques publiaient moins que leurs collègues masculins pendant la période sans précédent que nous vivions (1).Je n’ai pas été surprise de cette conclusion, effectivement je me rappelle m’être plainte à une amie au début du premier confinement qu’il y avait un biais de genre au niveau du parent qui serait le premier à être appelé en cas de problème avec les devoirs ou simplement pour gérer l’ennui. Donc, encore un article qui confirmait mon expérience personnelle et point de vue biaisé et hétéro normé - génial !

Cependant, de par mon appartenance à un groupe virtuel de personnes qui participent à et organisent des retraites de rédaction, je sais que beaucoup de femmes écrivent dans le monde universitaire - la plupart des contributeurs au groupe sont des contributrices, et la plupart des personnes qui participent à des retraites de rédaction semblent aussi être des femmes. Ce groupe virtuel a été particulièrement actif pendant les divers périodes de confinement, et l’activité n’a pas diminué depuis. Mais peut-être, diriez-vous, qu’une retraite de rédaction correspond à un stade précoce dans le processus qui mène vers la publication ? Ou que tout ce qui est rédigé n’a pas vocation à être publié ?

Donc j’ai regardé mon propre travail. La plupart du temps les auteurs avec qui je travaille attendent d’avoir une version sur le point d'être soumise avant de me contacter. J’ai donc regardé le travail qui m’a été confié pendant les premiers mois de 2020, et je l’ai comparé au travail reçu pendant la même période en 2019 et 2021. Entre janvier et mai 2019 j’ai traduit ou révisé 13 articles pour lesquels l’auteur principal était une femme, et 10 pour lesquels l’auteur principal était un homme. En 2020 et 2021 l’écart était plus serré : parmi 19 articles chaque année, 9 avait une autrice principale. Il est vrai que ces chiffres sont relativement petits et que la population est assez restreinte, et je ne tenterais jamais de suggérer qu’on pourrait en tirer une conclusion statistiquement significative, mais force est de constater que les femmes sont fortement impliquées dans la REDACTION.

Alors, de quoi parle l’analyse cité dans Nature ? J’ai regardé les données de plus près, et j’ai observé que - loin de se référer à des articles publiés, c’était une question de preprints. Les perprints sont effectivement en route vers la publication, et potentiellement disponibles pour inclusion dans la bibliographie, mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils soient PUBLIES.

Néanmoins, en regardant l’analyse j’ai été choquée par les chiffres : les auteurs masculins sur les preprints étaient surreprésentés de plus de 100 % par rapport à leurs collègues féminines (oui, un doublement de l’effectif) MEME DANS LES SCIENCES BIOLOGIQUES ou les femmes sont traditionnellement mieux représentées que les hommes. (Cette analyse prenait tous les auteurs d’un manuscrit en compte, ce qui aurait dû avoir pour effet de corriger le fait que les directeurs de laboratoires sont disproportionnellement des hommes.)

En essayant de retrouver mon calme, je suis tombée sur un article de presse sur le sujet du type de langage utilisé par les femmes dans leurs rédactions universitaires (2). Selon cet article, les hommes utilisent le « boosterism » plus dans leurs écrits -  des mots comme « novateur », « robuste », « prometteur ». Cela m’a poussé à me poser la question du lien entre le biais de genre observé dans les preprints et le langage utilisé, et je crois que j’ai enfin trouvé :

Il faut choisir de télécharger son manuscrit sur un serveur de preprint. Cette prépublication peut être proposée pendant la soumission à un journal, mais il faut cocher la case.

S’il y a moins de chance que vous dîtes que votre travail « repousse les frontières de la science » (ou autre expression affirmant sa qualité), peut-être qu’il y a aussi moins de chance que vous ayez envie de dire à tout le monde que vous avez écrit un article avant que les résultats soient validés par vos pairs, les reviewers ?

Peut-être devrait-on faire un effort pour éviter de tirer des conclusions trop hâtives et attendre de voir les publications acceptées !

 

1 https://www.nature.com/articles/d41586-020-01294-9

2 https://www.theguardian.com/science/2019/dec/16/female-scientists-use-less-positive-language-about-their-work-study-finds

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